Roland Kirk est né à Columbus, dans l'Ohio, en 1936. Il devient aveugle à l'âge de deux ans. Il étudie à l'Ohio State College for the Blind, où il manifeste une précocité musicale exceptionnelle. À seize ans, il rêve qu'il joue de trois saxophones en même temps, et se met en devoir de concrétiser ce rêve. À vingt ans, il enregistre son premier disque, qui passe totalement inaperçu ; ce n'est que le suivant, en 1960, qui le fait connaître. Dès 1961, il se met à la flûte et, la même année, travaille une période avec Charlie Mingus, puis fonde son propre groupe, le Vibration Society. En 1965 et 1966, il est élu meilleur flûtiste de l'année par les critiques du magazine Down Beat. En 1975, il est victime d'une attaque d'hémiplégie ; paralysé d'un côté, il continue néanmoins à jouer du saxophone, avec une seule main. Il meurt en 1977 d'une seconde attaque.

Si l'aspect le plus remarquable du jeu de Roland Kirk est évidemment sa façon de jouer de trois saxophones (ténor, stritch et manzello) simultanément, il ne doit pas faire oublier que Kirk est également l'un des meilleurs flûtistes de l'histoire du jazz. S'il n'est pas le premier à chanter dans l'instrument tout en jouant (Sam Most notamment l'a précédé dans cette voie), il développe cette technique de manière significative : tout d'abord en utilisant la voix de tête en plus de la voix de gorge, ce qui lui permet d'obtenir un son beaucoup plus puissant, se rapprochant de celui d'une guitare électrique distordue ; ensuite, il ne se contente plus de chanter à l'unisson, mais introduit divers intervalles (il chante à la tierce, à la quinte, etc.) ; enfin, il est le premier à accorder à cette technique un rôle véritablement essentiel. Il utilise également d'autres effets spéciaux comme le flatterzunge, les micro-intervalles et les effets de percussion des clés, et est le premier musicien de jazz à maîtriser la respiration circulaire. Mais c'est surtout son imagination débordante et sa façon de mélanger tous les styles musicaux, du dixieland au free jazz en passant par le blues et le jazz-rock, qui font de Roland Kirk un musicien inoubliable.

We Free Kings (1961) Mercury
I Talk with the Spirits (1964) Verve
Volunteered Slavery (1969) Rhino
Blacknuss (1972) Atlantic

Steve Kujala est le fils de Wilfried Kujala, flûtiste classique très renommé. En 1980, il intègre le sextet du pianiste Chick Corea, où il joue tout d'abord principalement du saxophone ; mais bientôt, Corea s'aperçoit de ses prodigieux talents de flûtiste, et réarrange certains morceaux du groupe en conséquence. Il écrit même quelques pièces pour flûte et piano seuls, ce qui conduira, en 1984, à l'enregistrement d'un album en duo, Voyage. Par la suite, Kujala enregistre quelques albums sous son propre nom, mais travaille principalement comme musicien de studio, notamment pour le cinéma.

Flûtiste à la technique sans faille, improvisateur dans la ligne d'un Hubert Laws ou d'un Joe Farrell, Steve Kujala est un soliste élégant et inspiré. Également très influencé par la musique classique contemporaine (comme le montre en particulier l'album Voyage), il intègre dans son discours de nombreux éléments issus de celle-ci : flatterzunge, trilles et doigtés spéciaux, jeu sur les timbres, bruits de souffle et de clés, mais surtout glissandos, technique dont il est le maître incontesté (il nomme lui-même cette technique fretless flute, par analogie avec la basse fretless). Bien qu'il soit relativement peu connu, il est néanmoins, avec James Newton et Dave Valentin, l'un des flûtistes les plus importants des années quatre-vingt.

Chick Corea : Again and Again (The Joburg Sessions)               (1982) Elektra
Chick Corea / Steve Kujala : Voyage (1985) ECM
Peter Sprague : Na Pali Coast (1985) Concord Jazz
Jeff Linsky : Up Late (1988) Concord Picante ImagesJHeads, Hands, Hearts (1990) Sonic Edge